Evreux - Procès Lafarge – Acte II : L’attente

On se souvient du procès Lafarge qui s’est tenu au tribunal correctionnel d’Evreux les 19 et 20 décembre 2024 ; un palais de justice bunkérisé vu la dangerosité des prévenus, pensez donc, 9 « éco-terroristes » jugés pour s’être introduits dans les locaux de l’usine Lafarge de Val de Reuil un an auparavant.


Le groupe Lafarge – Holcim, le plus grand cimentier au monde : «un des plus gros émetteur de CO2 en France » selon les termes du procureur de la République de l’Eure.


Sur la centaine de personnes qui ont participé à l'action au mois de décembre 2023 sur le site de Val-de-Reuil, 17 étaient arrêtées par la police antiterroriste, et 9 d'entre-elles ont été jugées dont l'un de nos militants ornais, Philippe Beaudouin.


Malgré un réquisitoire du procureur qui étonnamment a justifié l’action de nos camarades, « ... au titre de la lutte contre le réchauffement climatique, cause légitime et respectable... », 5 personnes étaient relaxées, les 4 autres, dont notre camarade Philippe, ont été condamnées à de lourdes peines de 6 à 10 mois de prison avec sursis, l’entreprise Lafarge leur réclamant par ailleurs 300.000 € de dommages et intérêts.


Nos quatre camarades ayant fait appel devant la cour d’appel de Rouen ; depuis le mois de décembre 2024 c’est l’attente, avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, pas vraiment le genre de situation qu’on apprécie.
L’audience au civil, chargée de déterminer le préjudice financier que l’entreprise prétend avoir subi, est fixée au 15 décembre prochain à Rouen ; en théorie le procès en appel doit se tenir avant, car en cas de relaxe, ce que tout le monde espère, il n’y aura pas d’indemnisation.

Grâce à des cagnottes organisées par plusieurs organisations, Les Ecologistes, le NPA, LFI, Sud-Education, la Confédération Paysanne, ATTAC, les soulèvements de la terre et d’autres, les frais d’avocat ont pu être payés, mais la procédure n’est pas terminée.


Una autre affaire qui vient d’être jugée par la cour d’appel de Lyon nous permet d’être relativement optimistes ; Le 15 mai dernier, la cour d’appel de Lyon a confirmé la relaxe de sept militants s’étant retrouvés en procès après leur action anti-Arkema du 2 mars 2024 à Oullins-Pierre-Bénite.


Les faits sont quasi-similaires avec l’affaire Lafarge : Le 2 mars 2024, Extinction Rebellion et Youth for Climate ont co-organisé une action sur le site de l’usine Arkema responsable selon eux de la pollution aux PFAS, des « polluants éternels » qui contaminent le Rhône et particulièrement la commune d’Oullins-Pierre Bénite, où se trouve l’usine.


300 militant•es s’étaient rendus sur le site de l’usine et certain•es s’étaient introduit•es dans l’enceinte du lieu pour déployer des banderoles, dont une avec une grande tête de mort noire où l’on pouvait lire le mot « poison ».


A la suite de cette action, huit personnes avaient été placées en garde à vue, pendant 48 h. Une durée jugée excessive pour l’une des militantes qui avait fait le récit d’interpellations « violentes », d’interrogatoires et de conditions de garde à vue «dégradantes».

C’est précisément ce qu’a vécu notre ami Philippe et les 17 camarades interpellés par la SDAT, la sous-direction de l’anti-terrorisme en juin 2024 ; non pas 48 h mais 72 h de garde à vue dans une cellule insalubre à l’hygiène déplorable, chiottes à la turque, matelas en ciment et couverture de survie.


Une décision qui rappelle que dénoncer les atteintes grave à l’environnement est un droit et non pas un délit et qui fait du bien dans un contexte de plus en plus répressif à l’égard des manifestants et des militants engagés pour la défense de l’environnement.


En première instance, le 5 juillet 2024, le tribunal correctionnel avait relaxé les militants en estimant que de telles condamnations représentaient « une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ». Vingt jours plus tard, le parquet de Lyon avait annoncé faire appel de cette relaxe.


Au procès en appel, les militant-es ont dénoncé un « acharnement judiciaire », alors que la question des PFAS s’invitait de plus en plus dans le débat public. Malgré tout, l’avocat général avait requis de quatre à six mois de prisons avec sursis pour les prévenus pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences » ; l’association de malfaiteurs dont la police fait un très usage large et qui permet de criminaliser d’honnêtes militants écologistes pacifistes, dont le seul tort est d’être des lanceurs d’alerte.

Comme à Lyon, après l’acte I le procès, l’acte II l’attente, nous espérons l’acte III la délivrance pour nos 4 camarades que nous n’oublions pas.

Dominique GUILLOU
Membre du Bureau exécutif régional
Porte-parole régional des Ecologistes