Qualité de l'eau potable en Normandie

L’alimentation en eau potable constitue un service public essentiel indispensable à la vie. Chacun-e doit disposer d’une eau de qualité satisfaisante et en quantité suffisante. 

En France comme au niveau européen et international, les eaux destinées à la consommation humaine demeurent un enjeu majeur de santé publique. 

 En Normandie, comme dans d'autres régions de France, plusieurs problèmes peuvent affecter la qualité de l'eau potable. 

Voici quelques-uns des enjeux principaux : 

  1. Les nitrates : L'utilisation intensive de pesticides et d'engrais dans l'agriculture peut contaminer les nappes phréatiques et les sources d'eau potable ; présence de taux de nitrates supérieurs à 50 mg par litre pouvant entraîner des maladies du sang chez les jeunes enfants et des risques de cancer. En Normandie, 96,6 % de la population normande dispose d’une eau dont la concentration moyenne en nitrates sur l’année est inférieure à 40 mg/L. Pour 3,5 % de la population, la concentration moyenne a été comprise entre 40 et 50 mg/L. Si les concentrations moyennes annuelles sont conformes pour l’ensemble des unités de distribution, des dépassements de la norme ont néanmoins été mis en évidence dans 8 unités de distribution alimentant environ 39 400 habitants majoritairement dans le département de l’Eure. Les dépassements ont été ponctuels sauf dans le secteur du Neubourg où une restriction des usages alimentaires a été prononcée pour protéger les populations sensibles telles que les femmes enceintes et les nourrissons 

  2. Les Micro-organismes : La présence de bactéries et autres micro-organismes dans l'eau peut rendre celle-ci non potable. 

  3. Le vieillissement des infrastructures : Les canalisations anciennes peuvent entraîner des fuites ou contaminer l'eau potable ; la présence de chlorure de vinyle monomère (CVM) dans l’eau du robinet est due au relargage de CVM à partir de certaines canalisations en PVC posées entre 1970 (date du début d’utilisation de PVC pour fabriquer des canalisations d’eau potable) et 1980. La limite de qualité en chlorure de vinyle monomère pour l’eau du robinet est fixée à 0,5 µg/l, en application de la directive européenne 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. 

  4. La saisonnalité : Les périodes de sécheresse ou de fortes pluies peuvent affecter la disponibilité et la qualité de l'eau. 


L'Agence de l'Eau Seine-Normandie met en place des redevances pour la pollution de l'eau d'origine domestique et pour la modernisation des réseaux de collecte. Ces redevances sont calculées en fonction des volumes d'eau facturés et des pollutions constatées. 

L'Agence régionale de santé (ARS) Normandie publie régulièrement des bilans sur la qualité de l'eau potable. Des études récentes ont mis en évidence la présence de pesticides et de composés per- et polyfluorés (PFAS) dans certaines eaux destinées à la consommation humaine. 

On trouve sur le site de l’ARS de Normandie un rapport publié en novembre 2024 sur la qualité de l’eau du robinet en Normandie en 2023 ; ce n’est pas rassurant. 

Si l’on regarde la situation département par département on se rend compte qu’il vaut mieux habiter dans la Manche que dans le Calvados, la Seine Maritime ou l’Eure ; dans l’Orne la situation est « moins pire ».


Département du Calvados et Département de la Seine Maritime

Respectivement 75 % et 70 % de la population des deux départements boit une eau du robinet dont la non-conformité est récurrente sur le paramètre pesticides. Dans ces deux départements, cinq métabolites - sous-produits des pesticides issus de leur dégradation dans l’environnement - sont à l’origine des non-conformités : le desphényl et le méthyl desphényl chloridazone, les métabolites R471811 et R417888 du chlorothalonil, et dans une moindre mesure un métabolite de l’atrazine (atrazine déséthyl). Selon les secteurs de distribution et les ressources utilisées pour la production d’eau potable, on observe la présence de produits de dégradation issus d’une seule substance active (principalement la chloridazone ou le chlorothalonil) ou des deux simultanément. En Seine Maritime, compte-tenu de la présence de perchlorates dans une ressource, la recommandation de ne pas préparer des biberons avec l’eau du robinet perdure dans l’unité de Distribution de Paluel. 


Département de l’EURE

2/3 de la population du département boit une eau du robinet dont la non-conformité est récurrente sur le paramètre pesticides. Si les métabolites de la chloridazone et du chlorothalonil sont à l’origine de la majorité des dépassements, d’autres produits de dégradation de substances actives sont également mesurés (métabolite du terbuthylazine LM6, flufenacet ESA, atrazine déséthyl et déisopropyl). Des substances actives ont été quantifiées à des concentrations supérieures à la norme dans des secteurs karstiques (propyzamide, chlortoluron, flufenacet). On note également des non conformités liées à la présence du métabolite LM6 de la terbuthylazine. Enfin, si la présence majoritaire des sous-produits de dégradation de pesticides est à souligner, des substances actives sont quantifiées ponctuellement : chlortoluron, dimétachlore, diuron, éthydimuron, propyzamide, diméthomorphe.


Département de l’Orne

La moitié de la population du département boit une eau du robinet dont la non-conformité est récurrente sur le paramètre pesticides. C’est le métabolite R471811 qui est à l’origine de la majorité des non-conformités récurrentes enregistrées cette année 2023 (29 Unités de Distribution sur 47 considérées de qualité insuffisante).


Département de la Manche

Moins de 5 % de la population boit une eau du robinet dont la non-conformité est récurrente Contrairement aux autres départements de la Normandie, les métabolites de la chloridazone et du chlorothalonil sont peu présents dans les ressources en eau utilisées pour la production d’eau potable. 


Dans l’ensemble de la Normandie, l’année 2023 enregistre une nette hausse des non-conformités mises en évidence par le contrôle sanitaire puisque 66 unités de distribution (UDI) ont été concernées par un seul dépassement et 395 UDI par des dépassements récurrents, soit 40 % des UDI. La recherche au cours de l’année 2023 de nouveaux sous-produits de dégradation d’un fongicide (le chlorothalonil) qui a été largement utilisé dans la région explique en partie cette hausse.

Le chlorothalonil est un fongicide qui a été utilisé sur de nombreuses cultures et dont l’usage n’est plus autorisé. La terbuthylazine est un herbicide dont l’usage a été ré autorisé sur les cultures de maïs. Par ailleurs l’utilisation agricole d’engrais importés du Chili pourrait être aussi une source de contaminations par les perchlorates. 


Bien qu’aucune norme ne soit fixée par la règlementation sur ce paramètre, des analyses ont été réalisés en 2017-2018 sur l’ensemble des captages de la région afin de dresser un état des lieux des teneurs dans les ressources souterraines utilisées pour la production d’eau potable. 

Des concentrations en perchlorates supérieures au premier seuil de gestion recommandé par l’Anses dans son avis du 8 avril 2014 pour les nourrissons (4 microgrammes par litre) ont été mises en évidence pour 10 captages de l’Eure et 1 captage en Seine-Maritime. Les secteurs concernés font l’objet d’un suivi spécifique sur ce paramètre et des recommandations de ne pas préparer des biberons avec l‘eau du robinet ont été prononcées sur les zones de distribution impactées (7 collectivités).

L’information aux abonné-es concerné-es est également reprise dans la synthèse annuelle sur la qualité de l’eau distribuée, jointe à la facture.

L’expertise menée par l’ANSES - L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail - sur les risques sanitaires liés à la présence du métabolite du chlorothalonil quantifié le plus souvent dans l’eau (R 471811) l’a classé non pertinent en avril 2024 et il n’est donc plus soumis à la limite de qualité de 0,1 µg/L, mais à la valeur indicative de 0,9 µg/L. Aucune restriction d’usage n’a été prononcée dans la région.

Les nouvelles études scientifiques démontrent que le métabolite ne partage très probablement pas le mode d’action néphrotoxique de sa substance-mère.

Par ailleurs, le chlorothalonil ne peut pas être considéré comme un perturbateur endocrinien au regard des données scientifiques étudiées.

Par conséquent, et depuis mai 2024, le R471811 n’est plus soumis à la limite de qualité de 0,1 µg/l, ni à une valeur sanitaire maximale ou transitoire, mais doit satisfaire à la valeur indicative unique, fixée à 0,9 µg/l par l’ANSES, pour tous les métabolites non-pertinents, en application de la directive européenne.

Par contre le métabolite R41788 du chlorothalonil a été classé comme pertinent car il n’a pas été possible de conclure à l’absence de potentiel génotoxique à la lumière des dernières études. Sur ce métabolite, tous les résultats du contrôle sanitaire sont inférieurs à la valeur sanitaire transitoire de 3 µg/l.

L’ANSES travaille actuellement à la définition d’une valeur sanitaire maximale (Vmax) pour cette molécule. 

L’industrie aussi : Les perchlorates sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, aerospatiales et militaires et ont été utilisés notamment au cours de la Première Guerre mondiale et surtout, à partir des années 1940, pour des applications militaires. Les per et polyfluoroalkylées, plus connus sous le nom de PFAS, représentent une famille de plusieurs milliers de composés synthétiques aux propriétés chimiques spécifiques qui expliquent leur utilisation dans de nombreux produits de la vie courante : vêtements techniques, mousses à incendie, emballages alimentaires, etc. Dans le cadre du contrôle sanitaire réglementaire des eaux destinées à la consommation humaine, 20 composés perfluorés (PFAS) devront être recherchés à compter du 1erjanvier 2026. La norme pour la somme de 20 composés est fixée à 0,1µg/l en eaux distribuées et à 2 µg/l pour les eaux brutes.

La protection des captages : 

Chaque captage doit faire l’objet d’une protection par une procédure de déclaration d’utilité publique (DUP) instituant les périmètres de protection règlementaires visant à lutter principalement contre les pollutions ponctuelles et accidentelles, mais aussi contre les pollutions plus structurelles d’origine agricoles. 

En 2023, 1 047 captages bénéficient d’une protection avec déclaration d’utilité publique (DUP), ce qui représente 92 % des captages actifs de la région. 18 captages ont été protégés par DUP en 2023. La procédure est en cours pour 60 captages et engagée en révision pour 40 captages. En cas de situation récurrente de dépassement de la limite de qualité et dès lors que les valeurs sanitaires transitoires sont respectées, la collectivité doit définir un plan d’actions pour rétablir la qualité de l’eau et demander une dérogation pour poursuivre la distribution de l’eau. Celle-ci sera alors encadrée par un arrêté préfectoral qui visera la mise en œuvre du plan d’actions. Cette dérogation ne peut excéder trois ans et est renouvelable une fois. Bien que la chlorothalonil et la chloridazone ne soient plus utilisées depuis 2020, il est demandé, par précaution, aux collectivités de bâtir des plans d’actions préventives sur les aires d’alimentation des captages concernés afin de prévenir d’éventuelles pollutions futures par d’autres molécules phytosanitaires ou produits de leur dégradation dans l’environnement. Ces actions qui visent l’amélioration et la préservation de la ressource sur le long terme sont un complément indispensable des mesures de court terme visant à traiter l’eau contenant des pesticides et leurs produits de dégradation 


En guise de conclusion :

On le voit à la lecture du rapport de l’ARS de Normandie, notre région, à forte prédominance à la fois industrielle et agricole, est particulièrement touchée par les pollutions de l’eau dues à l’usage récurrent des pesticides et des PFAS.

Si leurs molécules sont connues et souvent classées comme cancérogènes, leurs métabolites c'est-à-dire les substances crées par leur dégradation dans l’environnement commencent tout juste à être étudiées par l’ANSES et l’ARS ; les propos se veulent rassurants, les seuils de toxicité sont relevés à la hauteur des normes européennes, les « Vmax » ou valeurs maximums, mais cela n’enlève rien à leur toxicité

Le droit à l’accès à une eau du robinet saine est un combat majeur ; on ne peut passer sous silence en 2023 en France les 433 136 nouveaux cas de cancers et les 162 400 décès par cancers. Le nombre de nouveaux cas détectés correspond à près de 1 200 cas par jour sur une année. Pas une famille na été, n’est ou ne sera épargnée par le cancer ; les écologistes seront toujours là pour réclamer des mesures efficaces pour protéger notre eau, notre vie. 


Pour aller plus loin : 

Sur le site du Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles à l’adresse : https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau on trouve les résultats des analyses par commune, mais en réalité pas d’indications sur la pollution par les pesticides – Top secret ? – 

Sur le site de l’ARS Normandie : Un rapport paru en novembre 2024 : « L’eau potable en Normandie 2023 » qui a servi à la rédaction de cet article. 


Le 20 février prochain pour la journée du groupe Ecologiste et Social, Jean-Claude Deraux, Député Les Ecologistes 
défendra une proposition pour protéger durablement la qualité de l'eau potable, retrouvez ici nos publications sur nos réseaux sociaux.



Dominique GUILLOU,

                                                                                                Porte parole régional des Ecologistes de Normandie